Cette journée avait pour but d'outiller les directeurs et managers du secteur de la santé en s'appuyant sur les retours d'expérience des intervenants. En effet, nos préoccupations semblent être partagées par une grande partie des organisations du secteur. Elles révèlent les nombreuses crises que traverse ce domaine, qui se sont accentuées davantage depuis la crise sanitaire, avec notamment la forte évolution des attentes des collaborateurs.
Dans tous les secteurs du soin et de l’aide à la personne, ces dernières années ont été marquées le développement d’un turn-over important dans la fonction de directeur. En parallèle, nous avons constaté de plus en plus de cas d’épuisement professionnel et rencontré des dirigeants qui souhaitaient quitter le métier. D’où cette interrogation sur ce métier merveilleux, a-t-il toujours du sens ?
Pour s’en assurer, nous avons mené une enquête sous forme de questionnaires et réalisé des entretiens semi directifs afin d’étudier cette situation en profondeur.
Notre panel de directeurs, (250 questionnaires ; 25%de taux de réponse) qui a servi de base à cette étude, est représentatif du secteur :
Notre premier constat. Est lié à un point qui suscite l’intérêt. C’est un métier hyper diversifié, que nous avons qualifié de polymorphe. On pourrait dire, dans le langage cinématographique, un Superman ou une Wonder Woman, combinant diverses qualités qui lui permettent de mener à bien ses différentes missions.
Ce poste est certes exigeant et énergivore, cependant, il est plein de sens. En effet, si l’on se réfère à notre enquête, sur une échelle de 0 à 10, 85 % des personnes sondées estiment trouver du sens dans leur travail, avec une note supérieure à 7. Par ailleurs, elles considèrent également que le sens est l'une de leurs principales motivations.
Cela s’explique principalement par le côté altruiste du poste, qui contribue à améliorer l’organisation, les conditions de travail et répondre aux besoins sociétaux en développant l’offre de soins et d’accompagnement.
Leur engagement est d’autant plus significatif qu’il s’inscrit dans un choix réfléchi et assumé. En effet, notre étude révèle que 71,7 % des professionnels ont opté pour ce métier par attrait pour le secteur, 34,8 % par volonté d’être utiles et 30,4 % en raison d’une adéquation avec leurs valeurs.
Cependant, au quotidien, cela s’avère très complexe. En effet, les exigences des collaborateurs des patients et des tutelles sont de plus en plus grandissantes. S’éloignant de l’altruisme, le directeur d’établissement met en avant dans ses fonctions (sur une possibilité de 10 choix) les actions suivantes :
Ce qui peut donner, organisateur de contraintes, fédérateur de tensions, gestionnaire de budgets serrés.
En conclusion, un métier de chien…Mais continue-t-il malgré tout à avoir du sens et à attirer ?
Selon plusieurs directeurs, il est difficile, voire impossible, de dissocier la part émotionnelle de la part professionnelle dans ce domaine, dès lors que l'humain est au cœur du métier. Ces émotions sont essentielles, car elles permettent non seulement de se connaître, de comprendre autrui, mais également de pouvoir l’accompagner convenablement.
Notre questionnaire le démontre en nous montrant que, sur une échelle de 1 à 10, 60 % des personnes interrogées donnent une note supérieure à 7 sur la place qu’occupent les émotions dans leur vécu professionnel.
De plus, le sens a un lien étroit avec le stress. Dans ce cas précis, les professionnels parlent plutôt de bon stress, qui est le moteur permettant de booster les performances et qui amène souvent les directions à obtenir des résultats inespérés avec :
Ce métier, malgré les difficultés qu’il rencontre actuellement, est sans équivoque un métier d’avenir. Son importance dans notre société et notre système sanitaire et social est cruciale. Le sens du métier de directeur, c’est d’être en permanence acteur du changement dans un monde en mouvement. Il est fondamental de le réinventer et de lui octroyer les moyens nécessaires pour son fonctionnement.
C’est néanmoins sans compter sur les risques d’épuisement professionnel. En effet, plusieurs directeurs ne se projettent plus dans ce métier, et cela s’accentue avec un burn-out élevé, dû à un stress chronique de l’ensemble de l’organisation et à une charge de travail excessive. Ils se définissent comme un pilote abandonné à lui-même dans un avion en plein vol. Si l’on se réfère aux chiffres, plus de 40 % des directeurs veulent sortir de ce métier.
Cependant, le sens du poste ne semble nullement lié à un problème de reconnaissance. Ils sont peu remis en cause et ont souvent une forte reconnaissance auprès des équipes. À cela s’ajoute le problème lié à l’optimisation des ressources humaines. La pénurie de main-d’œuvre dans ce secteur ne cesse de grandir, ce qui réduit considérablement l’offre de soins et surcharge davantage les professionnels de la santé, qui naturellement finissent par abandonner. Il faut revoir l’attractivité de ce secteur et faire en sorte de redonner du sens aux métiers du soin et de l’accompagnement. Par ailleurs, il faut gérer la paupérisation des associations et la chute des dons, ainsi que les contraintes administratives.
Les directeurs veulent, je cite que "le recrutement des collaborateurs soit plus axé sur l'engagement et non sur la précipitation de combler des postes non pourvus. Des professionnels impliqués. Des salariés formés et diplômés. Concernant les RH, il est plus nécessaire de s'adapter à la charge en priorisant que de penser que nous pourrons accomplir toutes les tâches sous réserve de disposer de moyens supplémentaires."
Ils veulent bien faire, cependant, ils n’ont pas tous les leviers. Financièrement, 81 % des personnes interrogées estiment ne pas avoir suffisamment de moyens pour réussir, cela est dû à la diminution des financements. Ils revendiquent également une équité de moyens avec le public.
Ils sont également souvent peu autonomes dans la mise en œuvre de leur politique. Ils ont des contraintes de tous bords et subissent des ingérences de la part des pouvoirs publics, qui leur dictent quoi faire et comment utiliser leurs ressources. Pour mener à bien leurs missions, ils exhortent les pouvoirs publics et leurs directions à leur accorder plus d’autonomie et de marge de décision.
Et si la fonction de directeur était comparable aux structures qu’ils dirigent : un vrai sens, une vraie utilité sociale et un vrai manque de moyens …